Femmes au foyer (II)
Ton tiroir à ton chevet est ton dernier jardin secret
Que tu rallumes chaque soir en éteignant ta chambrée
Contre toi ton mari ronfle, au loin tes enfants marmonnent
Tes pieds froids cherchent sous tes draps les tièdes étriers
Qu'un sursaut d'imaginaire leur tend d'un élan morne.
Dans un silence propice tu t'es mise à rêver
De lézardes, de failles et d'interstices qui débordent les tiens
La soie de ton pyjama déjà s'humecte pour le Grand Vizir
Cette tige exogène qui dans un instant peuplera ta corolle
Et couronnera de sa coiffe ta volonté souveraine.
Il t'en reste si peu, et cet hommage rare
Tu n'entends pas le laisser passer, alors tu le sors, tu le prends
Le caresses, le lèches et l'approches encore
Du néant touffu dont l'ennui t'a creusé l'abdomen
Ta joue s'enfonce dans l'oreiller où s'étouffe ce cri
Qu'au matin de ta vie, jeune lionne, tu préférais faire retentir
La sueur de ton âme, il est vrai, était plus claire autrefois
Soeur jumelle des fontaines auxquelles buvaient les intrépides
Rarement avais-tu le temps de contempler ton reflet
Car les rides qui brouillaient ton minois perlaient de ton front
Et ces mains qui étreignaient tes épaules n'étaient pas les tiennes
Tout comme ces lèvres qui te dévoraient l'oreille
En t'arrosant de ces noms qu'aujourd'hui tu hais.
Désormais les flots en toi ne bouillonnent qu'en casserole
Emblème ergonomique du nouveau rôle que le mâle monde t'a assigné
Et dans la pénombre de la geôle qu'assidûment tu pratiques
Entourée d'objets secs réservant leurs charmes au jour bienséant
Ta nuit et ton cri s'étrécissent aux dimensions de ce terne sultan
Assez dur pour contrer la lâcheté de ta chair
Mais assez souple pour épouser les méandres du désarroi
D'une vie si lisse qu'elle te file entre les doigts.
Saint-Lager, 12.11.22.
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