Cendrillon

Cendrillon
« Fallen princess, CINDER », 2017, © Dina Goldstein. Avec l'aimable autorisation de l'artiste.

vendredi 11 novembre 2022

Femme au foyer
(bien que l'expression tende à disparaître)

Les cendres que tu attises restent toujours un peu froides
La routine s'est muée chez toi en rituel semi-magique
Désespoir et dévotion transformant en mystères ces missions dérisoires
Essentielles à tes sacrificateurs, si mineures à tes yeux
Le moi en toi s'est recroquevillé dans un coin de ta cervelle
Où il a forgé le noyau glacial, cet inexpugnable et opaque cristal
Que parfois l'homme et le garçonnet qu'il est resté, entr'aperçoivent 
À la fois effarés et tristes et repentants
Témoins passifs du miracle quotidien
Qui coule, fluide, des corvées que tu enchaînes
Par les maillons d'une abnégation invincible
Les yeux fous du poète et du romancier passent sur toi sans s'arrêter
Quand ceux du sociologue t'assoient sur un trône de paille
Que celles qui se sont déjà relevées rêvent de brûler.
Mais il y a longtemps que le quotidien t'a changée en chimère
Mi-femme mi-cendres, à jamais parmi les tiens solitaire,
Coeur las condamné à palpiter en cadence pour rythmer les jours de tes esclavagistes.
Ton être expire chaque soir au gré des rires des tablées que tu dresses.
Nappes et chiffons essuient chaque matin les traces de celle que tu fus,
Puis, dans un sourire étrange, et trahissant la laisse, il n'est pas rare que tu portes à ton tour
Un toast à ta mort, et au symbole anonyme dans lequel tu t'es tue.

Saint-Lager, 11.11.22.

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