Cendrillon

Cendrillon
« Fallen princess, CINDER », 2017, © Dina Goldstein. Avec l'aimable autorisation de l'artiste.

jeudi 8 novembre 2018

OCCASIONS RATÉES (1)

Paralysie du petit reporter et borgne ventru divin :
ma non-rencontre avec Jim Harrison.

Photographie pourrie d'une soirée merdique. Copyright O.S.
Là le vieux barbu avec la canne vient de recevoir la médaille de la Ville de Lyon dont, bien que courtois, il se fiche comme d'une guigne. On imagine sans peine la manière dont on l'a appâté afin qu'il lâche son Montana pour les ors de la République. Nous dînions donc dans un restaurant des Pentes nommé "Le petit Albert" qui aurait dû décidément, ce soir-là, s'appeler "Le petit Olivier". Au bar, enquillant verre sur verre alors qu'il aurait manifestement préféré boire au goulot, un Jim Harrison d'humeur égrillarde couvait de l'œil une jeune serveuse un peu accorte allant de table en table porter cochonnailles et consommés de coquilles Saint-Jacques et moi, comme un con, la quenelle pas cuite entre les jambes, j'étais stoppé net dans ma volonté de fraterniser avec l'écrivain invité : pourquoi m'en aller emmerder un type qui se biture et reluque, avec des questions de vrai amateur et de faux journaleux ? À la grande table que je retrouve, on en est encore à évoquer à demi-mots son goût déplacé pour la bibine et les appels prononcés qu'il lance à la volée à toute la gente féminine au cas où quelqu'une mordrait à l'hameçon. Ok, pensé-je, pépère veut s'envoyer en l'air, et puis ? Au centre des regards de ma table, une sémillante Najat Belotte-Kacem pas encore ministre mais dépêchée au débotté par un Collomb désagrégé de lettres classiques pour ce repas sans grand enjeu avec des littérateurs est entourée d'un harem 100% laïc d'aréopages auquel elle prodigue en continu des sourires ultrabright. Brusque remontée d'acide mais pas à cause du vin, au demeurant excellent. Putain je ne suis PAS où je devrais être ! Je suis tragiquement à côté. J'opine du chef et me retourne. Au bar, notre bon Jim Beam picole avec une bonhomie inentamable. Un raid de Stuka ne pourrait rien contre le trajet cyclique allant du verre à sa bouche. Une bombe à hydrogène de 180 mégatonnes serait infoutue de détourner le vieux satyre de ses deux passions : booze et gonzesses. Voilà le type qu'on aimerait emmener en virée, songé-je, qui vous emmènerait en virée ! J'ai fini par rentrer chez moi avant le tiramisu aux fèves, remonté comme une pendule contre la politique municipale. J'avais tout adoré, de "La Femme aux lucioles" à "De Marquette à Veracruz", et retournais par conséquent à pied dans mes pénates, le calepin au fond du slip. Pauvre merde.
O.S.

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