Cendrillon

Cendrillon
« Fallen princess, CINDER », 2017, © Dina Goldstein. Avec l'aimable autorisation de l'artiste.

samedi 21 juin 2025

 

 Mickey 17 : notre comédie musicale ! (et notre toast funèbre à l'IA)

Deuxième article sur un film, deuxième impromptu : il existe des chefs d'oeuvres évidents, et des chefs d'oeuvre sous-jacents. Le dernier film (2025) du Sud-Coréen Bong Joon-ho n'a pourtant pas la pureté éternelle d'un diamant cinéphilique... Racontant l'histoire d'un Mickey (comprenez, "être humain") reproductible à l'infini, utilisé par une société du futur mercantile qui l'envoie dans des missions suicides intergalactiques afin de coloniser l'univers, Mickey 17 (car 16 Robert Pattinson sont morts avant lui) a le scepticisme multicolore. Tellement rare ! La créature extra-terrestre qui a sauvé le dernier spécimen du Mickey sorti de son imprimante 3D est un animal. Carrément : une bestiole. Ainsi, ce petit soldat jusqu'ici habitué à mourir apprend à s'apprécier dans la durée. Il ne comprend pas exactement ce qui l'a sauvé de sa folle réitération.

Depuis The Host, premier chef d'oeuvre, et surtout depuis Okja, son unique film d'horreur mal aimé - en fait, depuis son tout premier long métrage, Barking Dog (2000), le cinéaste assène au spectateur le même message multispéciste : l'humanité se vérifiera elle-même par les enseignements qu'elle pourra tirer des bêtes. En se référant à elles. Effet miroir d'une nature allant s'amenuisant, poncée par les terres rares.

Mazette, quel message ! L'humanité, version très sophistiquée des animaux, ne pourrait revenir à elle-même qu'en se confrontant à ses bases (écoute ça, Elon) ! Si sa nature est d'être en roue libre, seule une patte peut l'arrêter de tourner (c'est le sermon du vieux Bong de la montagne) : ici, les mille pattes d'une variété polaire de grosse chenille - modeste mais gentille -, incarnation de l'épiphanie perpétuelle qui, en l'épargnant, lui fait comprendre que la durée n'est pas qu'une juxtaposition d'instants. 

Franchement, c'est drôle. C'est à la fois lourdaud et subtil, ça nous dit : ne vous fiez pas à la raison, à cette faculté que vous chérissez par dessus tout parce qu'elle vous met au-dessus de tout. L'humanité 17.0 de Bong Joon Woooooouh s'est aliénée à son intelligence, à sa virtuosité technologique. Le rêve de tout transhumaniste en herbe : un autiste Asperger faisant à l'infini ses gammes sur un piano solitaire après l'extinction du monde. Rêve de néo-hippy déçu peu couvé par ses géniteurs, tristement incapable de transcendance. C'est pourquoi la bande-son de cette farce est tragique. 

Certains disposent de force la psyché humaine sous le microscope, d'autres le propulsent au fin fond du cosmos et l'analysent au télescope. Musk écoute : c'est fou tout ce que l'humain en toi peut faire, bravo, bravi, bravissimo ! Mais comment peut-elle se préserver, ton espèce honnie ? On dit notre planète en péril, c'est faux : elle se relèvera. Les destructeurs ne survivront pas à eux-mêmes. Ils portent étrangement, comme toi, le gêne kamikaze de leur extinction. Et ce gêne n'est ni la folie ni le meurtre : c'est la mesure. La raison. Cette façon mathématique de diagnostiquer le monde après l'avoir découpé en carrés. Grâce à sa fantaisie, sa modestie, sa démesure, Mickey 17 pose dans un éclat de rire des questions rarement posées à l'écran dont une, au moins, vaut son pesant de pop-corn : comment redevenir humain, au milieu de toute notre science ? Allo ici la Terre, vous nous recevez ? Qu'il est bon(g), à cet instant tardif, d'être encore un Homme, con, aléatoire et amoureux !

Saint-Lager, 21.06.25.

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