Cendrillon

Cendrillon
« Fallen princess, CINDER », 2017, © Dina Goldstein. Avec l'aimable autorisation de l'artiste.

dimanche 9 octobre 2022

Dans nos regards inversés,
Coule le torrent silencieux d'affluents différents
Charriant débris d'histoires et deuils insoupçonnés
Boues lourdes et limons agissants.

"Vers quelle mer ce long échange d'espèces
Fuyantes et visqueuses, lapins, carpes et brochets,
Têtards, prédateurs, coagulant dans la laisse,
Envisagera donc de se porter ?"

Le flux seul compte, mon onde adorée,
Vois nos anciens corps gisant là-bas sur la berge
De nos existences asséchées, telles les mues désertées
Par l'élan qui nous mène et toujours converge.

Pour qui subsistent les traits subtils de nos passés ?
Ces rides superficielles d'un temps réinitialisé,
Ces carillons sourds d'antiques horloges cassées,
Noyées, toutes, dans le brasier bleu de notre actualité.

Quelle que soit la nage choisie, le torrent inédit
Possède la fougue imbécile des enfants non sevrés :
S'étendre, bourdonne-t-il, fermer l'oeil, rouvrir les branchies,
Descendre chez Neptune, fuir la trop noble odyssée.

Saluer l'oxygène, celui de ces vies que nous avions tant respirées
Récréer ensemble un azote, peupler l'eau de nos petites bulles
Redevenir hippocampes sans poids, anguilles, poulpes ou raies
Porter un toast fluide au cimetière de pendules.

Sonder, du ventre effleurer les fonds, puis s'égarer au large,
Notre surface et notre abysse fondues soudain en un seul baiser
À contre-courant, le temps remonté redevient sauvage,
Ton visage, une brasse où tes yeux sont mes yeux échangés.


Saint-Lager, 8.10.2022.

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