Cendrillon

Cendrillon
« Fallen princess, CINDER », 2017, © Dina Goldstein. Avec l'aimable autorisation de l'artiste.

mardi 11 octobre 2022

Ce sentier, tu l'as peut-être emprunté cent fois,
Accompagnée d'amis que je ne connaîtrai pas.
Cette porte était peut-être celle de ta chambre
Et ce lit, celui dans lequel on te bordait enfant
À l'époque d'or où on te régalait de contes.

Ton minois de fillette encagoulée la goutte au nez
Souriant dans la neige blanche
Trônant sur la luge des meilleurs des royaumes
Est posé, peut-être, sur un buffet pittoresque
Ou sur la porte close d'un frigo sans attrait.

Encore une maison, là-bas, qui fut la tienne,
Et où tu demeuras adolescente puis jeune fille,
Encore un musée de tes intimités,
Fermé aux étrangers dont je suis.

Et c'est pour ces images suspendues
Que je ne connais plus ce sentier cent fois pris
Qui fut le mien.
Que j'ignore que le toit qui me protège
Est encore celui de mon foyer.

Quel dieu infâme est désormais dépositaire de mon vécu ?
Quel démon a mélangé mes routes,
Pillé mes biens, dépossédé les miens ?
Par quelle ironie puis-je encore un instant
Caresser la main douce qui me les ravit ?

À présent ma maison et tous ceux qui y vivent
Prennent déjà le chemin du mausolée
Et de la tombe que ma folie leur a creusée.
Le troc odieux qui échangea tout mon passé
Contre ton présent leur sert déjà d'épitaphe.

Dors dans l'oubli, belle endormie.
L'unique idée que tu conserveras de moi
Portera en son sein mille chemins abandonnés
Où prolifèrent les ronces de ceux qui m'ont aimé
Pour celui que j'étais et que plus jamais ne serai.

Emporte dans tes songes la chimère légère
Que tu as fait de ma vie déracinée, omise :
C'est le dernier vestige de notre lien. Je te le laisse.
Fais t'en un lacet, un collier ou une corde, qu'importe :
L'amnésie que tu distillais m'a blanchi tout entier.


OS. Saint-Lager, 10.10.22

Aucun commentaire: