« Few things to know about HBO »
La chaîne des Sopranos et de The Wire est-elle réellement en or ? Trois salariés de Home Box Office croisent brièvement le fer.
Avec : Richard Russo (prix Pulitzer fiction 2002 et scénariste), Eric Overmyer (scénariste de Treme, New York Police Judiciaire, The Wire, Homicide…) et Sarah Treem (dramaturge, scénariste de En Analyse, et de How to make it in America).
Richard : « J’avais
écrit pour HBO un scénario qui se passait à Long Island. Le héros était un
garçon qui avait perdu son père et qui était finalement recueilli par un patron
de bar. Peu à peu, ce dernier et certains clients devenaient sa seconde
famille. On m’a rétorqué : hé, dis, c’est une histoire gentille, en
fait ! Ils l’ont refusée. La
gentillesse n’est pas une bonne chose pour HBO.»
Épisode 2 : HBO est
décomplexée.
Eric : « C’est vrai, si
HBO est toujours politiquement incorrecte, au final elle ne montre pas beaucoup
de nichons…»
Sarah : « Mais, quand
on y regarde de plus près, c’est toujours du sexe et de la violence.»
Épisode 3 : HBO est très
instructive.
Richard : « En arrivant
chez HBO, j’avais l’impression de retourner à mes études, avec tous ces types
qui discutaient dans cette pièce (« the room », salle où les scénaristes
débattent de l’évolution des personnages et de l’histoire NDLR), en levant la
main pour parler.»
Sarah : « Quand je suis
arrivée dans une major à Hollywood, on m’a demandé ce que faisaient mes
parents. J’ai répondu qu’ils étaient médecins alors on m’a dit : très
bien, vous allez pouvoir écrire une série médicale. Plus tard, HBO, à New York,
m’a appris à être rigoureuse dans ce que j’écrivais. Notamment, que tout était
important dans les dialogues.»
Épisode 4 : HBO est un
foyer.
Richard : « HBO commence
à développer son propre style. Il suffit de regarder les prologues de ses
séries, comment les scènes s’y installent.»
Eric : « Pour y
rentrer, il faut d’abord être sur place. A New York ou à Los Angeles. Porter
des cafés, peut-être, mais surtout être là quand il faut et à avoir quelque
chose de bon à donner si jamais on vous le demande.»
Sarah : « Si l’idée est
bonne, ça suffit. Pas besoin d’avoir fait une école de scénariste. C’est, je
crois, à la fois une bonne et une mauvaise chose.»
Episode 5 : HBO aime la
vérité.
Richard : « Ils m’ont
engagé parce que j’avais écrit un pilote qui se déroulait dans les Catskill
Moutains, dans l’état de New York. Une campagne très pauvre où des fermiers
endettés étaient devenus millionnaires après avoir vendu leur terrain à des
compagnies d’exploitation de gaz de schiste. Mais cette manne créait des
tensions dans la population, jusqu’à l’intérieur des familles et des couples,
tiraillés entre pragmatisme et conscience environnementale. Je m’étais beaucoup
documenté sur ce sujet, j’avais passé du temps sur place.»
Eric : « J’ai écrit New
York Police Judiciaire et je n’ai jamais été dealer. Ni flic. Les scénaristes
n’ont pas la moindre idée de ce qu’ils racontent.»
Episode 6 : HBO aime l’art.
Sarah : « La plus grande
différence entre l’écriture d’une pièce de théâtre et l’écriture d’une série,
c’est le langage. Le niveau de langage. Mais on essaie.»
Eric : « Dans une
série, à la différence d’un roman, les personnages évoluent constamment en
fonction des acteurs, des rebondissements. C’est une collaboration... D’accord,
mon copain David Simon, qui a créé The Wire,
dit souvent que ça vient de Dickens et, quand on m’a invité à venir parler ici,
aux Assises internationales du roman, j’ai été flatté, mais, pour tout vous dire,
j’ai quand même l’impression que je n’ai rien à faire ici.»
Richard : « Les Sopranos et The Wire sont la preuve qu’à l’ère du numérique nous avons toujours soif de
bonnes histoires bien racontées. C’est la bonne nouvelle. La mauvaise, c’est
que nous voyons autant de bonnes fictions à la télé parce que les studios de
cinéma ont presque tous renoncé aux films sérieux, centrés sur des personnages
forts.»
Episode 7: HBO peut changer le
monde.
Eric : « HBO, il est
très simple de l’ignorer. Il suffit de ne pas s’abonner. Qui se soucie d’HBO
aux États-Unis ? Personne. Mais lorsqu’on est scénariste, y a pas mieux.»
Propos recueillis et traduits en mai 2011 par
O.S. à l’occasion des 5es Assises internationales du roman de
Lyon (un grand merci à la Villa Gillet et à Guy Walter). Version intégrale d'un article paru sur le site Fluctuat.
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