Cendrillon

Cendrillon
« Fallen princess, CINDER », 2017, © Dina Goldstein. Avec l'aimable autorisation de l'artiste.

samedi 23 mars 2019

« Few things to know about HBO »



La chaîne des Sopranos et de The Wire est-elle réellement en or ? Trois salariés de Home Box Office croisent brièvement le fer.

Avec : Richard Russo (prix Pulitzer fiction 2002 et scénariste), Eric Overmyer (scénariste de Treme, New York Police Judiciaire, The Wire, Homicide…) et Sarah Treem (dramaturge, scénariste de En Analyse, et de How to make it in America).

Épisode 1 : HBO n’est pas sympa.
Richard : « J’avais écrit pour HBO un scénario qui se passait à Long Island. Le héros était un garçon qui avait perdu son père et qui était finalement recueilli par un patron de bar. Peu à peu, ce dernier et certains clients devenaient sa seconde famille. On m’a rétorqué : hé, dis, c’est une histoire gentille, en fait ! Ils l’ont refusée. La gentillesse n’est pas une bonne chose pour HBO.»

Épisode 2 : HBO est décomplexée.
Eric : « C’est vrai, si HBO est toujours politiquement incorrecte, au final elle ne montre pas beaucoup de nichons…»
Sarah : « Mais, quand on y regarde de plus près, c’est toujours du sexe et de la violence.»

Épisode 3 : HBO est très instructive.
Richard : « En arrivant chez HBO, j’avais l’impression de retourner à mes études, avec tous ces types qui discutaient dans cette pièce (« the room », salle où les scénaristes débattent de l’évolution des personnages et de l’histoire NDLR), en levant la main pour parler.»
Sarah : « Quand je suis arrivée dans une major à Hollywood, on m’a demandé ce que faisaient mes parents. J’ai répondu qu’ils étaient médecins alors on m’a dit : très bien, vous allez pouvoir écrire une série médicale. Plus tard, HBO, à New York, m’a appris à être rigoureuse dans ce que j’écrivais. Notamment, que tout était important dans les dialogues.»

Épisode 4 : HBO est un foyer.
Richard : « HBO commence à développer son propre style. Il suffit de regarder les prologues de ses séries, comment les scènes s’y installent.»
Eric : « Pour y rentrer, il faut d’abord être sur place. A New York ou à Los Angeles. Porter des cafés, peut-être, mais surtout être là quand il faut et à avoir quelque chose de bon à donner si jamais on vous le demande.»
Sarah : « Si l’idée est bonne, ça suffit. Pas besoin d’avoir fait une école de scénariste. C’est, je crois, à la fois une bonne et une mauvaise chose.»

Episode 5 : HBO aime la vérité.
Richard : « Ils m’ont engagé parce que j’avais écrit un pilote qui se déroulait dans les Catskill Moutains, dans l’état de New York. Une campagne très pauvre où des fermiers endettés étaient devenus millionnaires après avoir vendu leur terrain à des compagnies d’exploitation de gaz de schiste. Mais cette manne créait des tensions dans la population, jusqu’à l’intérieur des familles et des couples, tiraillés entre pragmatisme et conscience environnementale. Je m’étais beaucoup documenté sur ce sujet, j’avais passé du temps sur place.»
Eric : « J’ai écrit New York Police Judiciaire et je n’ai jamais été dealer. Ni flic. Les scénaristes n’ont pas la moindre idée de ce qu’ils racontent.»

Episode 6 : HBO aime l’art.
Sarah : « La plus grande différence entre l’écriture d’une pièce de théâtre et l’écriture d’une série, c’est le langage. Le niveau de langage. Mais on essaie.»
Eric : « Dans une série, à la différence d’un roman, les personnages évoluent constamment en fonction des acteurs, des rebondissements. C’est une collaboration... D’accord, mon copain David Simon, qui a créé The Wire, dit souvent que ça vient de Dickens et, quand on m’a invité à venir parler ici, aux Assises internationales du roman, j’ai été flatté, mais, pour tout vous dire, j’ai quand même l’impression que je n’ai rien à faire ici.»
Richard : « Les Sopranos et The Wire sont la preuve qu’à l’ère du numérique nous avons toujours soif de bonnes histoires bien racontées. C’est la bonne nouvelle. La mauvaise, c’est que nous voyons autant de bonnes fictions à la télé parce que les studios de cinéma ont presque tous renoncé aux films sérieux, centrés sur des personnages forts.»

Episode 7: HBO peut changer le monde.
Eric : « HBO, il est très simple de l’ignorer. Il suffit de ne pas s’abonner. Qui se soucie d’HBO aux États-Unis ? Personne. Mais lorsqu’on est scénariste, y a pas mieux.»


Propos recueillis et traduits en mai 2011 par O.S. à l’occasion des 5es Assises internationales du roman de Lyon (un grand merci à la Villa Gillet et à Guy Walter). Version intégrale d'un article paru sur le site Fluctuat.

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